Lundi 23 juillet, Oksana Chatchko a été retrouvée morte dans son appartement parisien. Son probable suicide est l’épilogue brutal d’une existence tragique et fulgurante, celle d’une jeune Ukrainienne devenue, à son corps défendant, icône du féminisme radical via le mouvement Femen, dont elle fut cofondatrice. Oksana Chatchko était également une artiste brillante et ardente, qui avait exposé en 2016 à Nevers, dans la galerie Usanii, et créé deux œuvres pour la chapelle Saint-Sylvain.
Michèle Magema est encore sous le choc : « Je n’arrive pas à me dire qu’elle est partie », soupire l’artiste fondatrice de la galerie Usanii à Nevers. Elle, c’est Oksana Chatchko, retrouvée morte, lundi 23 juillet, dans son appartement parisien. Trois jours plus tôt, l’Ukrainienne de 31 ans avait posté sur son compte Instagram un ultime message rageur, « You are fake » (« vous êtes faux »).
L’hypocrisie, la tartufferie, les mensonges, Oksana Chatchko les combattait depuis presque toujours. Son visage de madone slave encadré de longs cheveux, son torse gracile dénudé et couvert de slogans ravageurs étaient devenus mondialement célèbres grâce au mouvement des Femen, activistes féministes secouant le joug patriarcal à grands coups d’éclat médiatisés.
Une radicalité pourchassée qui poussera Oksana Chatchko à l’exil pour Paris, en 2013, où elle obtient le statut de réfugiée politique. C’est là qu’elle fait la connaissance de Michèle Magema, présidente d’une association gérant le Lavoir moderne parisien, un lieu artistique du XVIIIe arrondissement dans lequel les Femen trouvent asile : « Oksana était la tête pensante des Femen. C’était une âme pure, quelqu’un de bon, en quête d’un idéal. »
La cofondatrice du mouvement prend rapidement ses distances avec les Femen France, se brouille avec Inna Shevchenko, l’autre leader des Femen : « La rupture a été violente, c’était une souffrance pour Oksana », se souvient Michèle Magema. La jeune Ukrainienne se recentre sur son art, mis entre parenthèses pendant sa période Femen : la création d’icônes dans le plus pur style orthodoxe, qu’elle avait appris enfant et maîtrisait à la perfection, auxquelles elle insufflait son inspiration frondeuse, iconoclaste.
En 2016, Michèle Magema avait invité Oksana Chatchko à Nevers pour l’ouverture de sa galerie d’art contemporain, l’Espace Usanii, rue Saint-Etienne. L’exposition, intitulée Who’s that girl en clin d’œil à une autre icône, Madonna, avait été appréciée. Propriétaire de la chapelle Saint-Sylvain, Michel Philippart avait commandé à l’artiste deux icônes : « Il y avait un contraste entre son physique menu, apparemment fragile, et sa personnalité très forte. Elle avait une vie difficile à Paris, elle n’avait pas pu s’insérer dans le tissu artistique. La nouvelle de sa mort nous a fait de la peine », a-t-il réagi.
« On redoutait cette issue », souffle Michèle Magema. « La mort était très présente dans sa génération, celle de jeunes Ukrainiens sans issue, sans perspective. Je suis triste qu’elle soit partie seule. » L’artiste, qui s’était liée d’amitié avec l’écorchée vive, se préoccupe désormais de l’inhumation d’Oksana Chatchko : « Lors de l’exposition, nous avions fait une impression d’une série d’icônes. Une partie de la vente allait à l’association, et l’autre partie était reversée à Oksana. » L’Espace Usanii met en vente les exemplaires restants pour aider à financer les obsèques.
Contact : usanii.fr, 09.54.96.95.16 ou la page Facebook.