
Après avoir travaillé plus de 20 ans place Mancini, dans le salon ouvert par son père en 1978, la coiffeuse Linda Janez a fait un court voyage de 500 mètres à peine pour s’installer rue de Rémigny. Une petite révolution pour la locataire devenue propriétaire, qui a mis à profit la pause imposée du confinement pour soigner un nouveau nid à son image, éclatant et décalé.


Les contacts ont été intenses, ça nous a même rapprochés. J’ai la chance d’avoir une clientèle très fidèle, c’était important d’accueillir un maximum de monde dès la réouverture du salon. Pendant les quinze premiers jours, on était non-stop de 8 h 30 à 20 h 30, du lundi au samedi, avec le masque en permanence. On a fait l’équivalent du mois de décembre en deux semaines. On s’est vraiment serré les coudes, avec les apprenties.Â
Page facebook JANEZ COIFFURE
La bouille joviale d’un énorme bouddha attire l’œil vers la vitrine de l’ancienne librairie pieuse Agapè, au 10 rue de Rémigny. Mais les amateurs de lectures saintes n’y reconnaîtraient pas leur repaire, fermé depuis plusieurs années. Murs roses et violets, miroirs baroques, déco survoltée : et le rire en cascade de Linda Janez, tornade faite coiffeuse, qui zèbre la chaleur de ce samedi après-midi de juin.
Depuis le 11 mai, premier jour du déconfinement, la clientèle de la jeune femme a quitté la place Mancini pour l’autre frange de l’hyper-centre commerçant neversois. Le transfert était programmé pour le 3 avril, mais le coronavirus a bouleversé l’agenda. Sans contrarier l’optimisme de Linda Janez, aussi indélébile que ses spectaculaires tatouages : « J’en ai profité pour me reposer et pour peaufiner la préparation de mon nouveau salon », sourit-elle.
Avec ses deux apprenties, Camille Pereira et Emma Jacquet, la coiffeuse a vite pris ses repères dans un salon plus spacieux : « On peut travailler à trois, sans problèmes de distanciation. Il y a plus de place, c’est plus lumineux. Et comme c’est en zone bleue, les clients sont contents, ils trouvent que c’est plus pratique pour se garer. »
La clientèle a suivi la courte transhumance de Janez Coiffure, dont elle a suivi les étapes sur les réseaux sociaux, pendant le confinement : « Les contacts ont été intenses, ça nous a même rapprochés. J’ai la chance d’avoir une clientèle très fidèle, c’était important d’accueillir un maximum de monde dès la réouverture du salon. Pendant les quinze premiers jours, on était non-stop de 8 h 30 à 20 h 30, du lundi au samedi, avec le masque en permanence. On a fait l’équivalent du mois de décembre en deux semaines. On s’est vraiment serré les coudes, avec les apprenties. »
Pour certains clients, Linda Janez fait presque partie de la famille. Ils fréquentaient déjà le salon de la place Mancini (38, rue François-Mitterrand) quand André Janez, son père, œuvrait aux ciseaux : « Ils m’ont vue naître, grandir », souriait-elle, songeuse, début mars, dans la boutique tout en longueur où elle a presque passé sa vie : « On habitait au-dessus du salon. On se connaissait tous, dans le quartier, je jouais à la marchande avec les autres enfants, on faisait des barbecues dans la rue, avec tous les commerçants. Il y avait un vrai esprit de quartier. »
Après avoir coupé les cheveux de ses poupées, puis de ses copines, Linda Janez entre en apprentissage à 15 ans, « la première année chez Eveil Coiffure, la deuxième avec mon père ». Le duo familial fait équipe au salon, jusqu’à la retraite d’André Janez, en 2010. Un père et un modèle : « Il était avant-gardiste, c’était un technicien de la couleur hors pair, notamment les couleurs flash dans les années 80. Il était un des premiers à utiliser les tondeuses à chien. On est décalés, dans la famille. »
C’est à ses côtés qu’elle cultive sa relation au client, une exubérance solaire qui n’a rien d’artificiel : « Avoir le contact facile avec les gens, c’est la base de notre métier. Et j’aime ça, je suis vraiment attachée à mes clients. En plus, dans un salon, on accueille toutes les couches sociales. » Tout un monde qui se croise sur les increvables fauteuils Belmont, la Rolls des sièges de coiffeur, achetés par son père en 1979 et transportés rue de Rémigny : « Cela va me faire drôle de partir d’ici », soufflait-elle en balayant du regard son salon-berceau de la place Mancini. « Mais je ne voulais pas être locataire toute ma vie. »
L’été 2019, elle a acheté l’immeuble de la rue de Rémigny, pour y loger son salon au rez-de-chaussée et sa famille dans les étages. Un investissement pour lequel elle a été soutenue par Nevers Agglomération, au titre du règlement d’intervention « Aide à l’immobilier commercial et artisanal », à hauteur de 9 115 € HT, soit 20 % des travaux de mises aux normes et de rénovation du salon.