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Ni blancheur sanitaire ni froideur post-opératoire : Au Ruban rose offre des délicatesses de boudoir à ses clientes, des femmes frappées par le cancer. Plus infirmière que commerçante, Emmanuelle Muscat-Blot propose des prothèses capillaires et mammaires, une cosmétique adaptée et une bienveillance qui n’a pas de prix.

Le Trophée national de l’entrepreneuriat au féminin l’a placée en première place de la catégorie Innovation. Emmanuelle Muscat-Blot n’est ni une start-upeuse 3 ou 4.0 ni une déesse de la vente en ligne, mais elle a emballé le jury par son « côté humain ». La Neversoise est une commerçante inclassable, un ovni gracieux, une aberration pour expert comptable, aussi. Vendre à tout prix, ce n’est pas la philosophie pratiquée Au Ruban rose, la boutique qu’elle a créée début 2016, rue Ferdinand-Gambon.

Dans d’élégants salons « cocooning », chargés d’attentions aux réminiscences de boudoir, Emmanuelle Muscat-Blot reçoit sur rendez-vous des clientes qui méritent les plus grands égards : des femmes touchées par le cancer du sein, venues essayer et acheter des prothèses capillaires, mammaires, la lingerie afférente, ou des produits cosmétiques adaptés aux chimiothérapies.

Clientes, le mot est abrasif, malcommode, tant la relation qui se noue Au Ruban rose transcende le geste commercial : « Au début, je disais « mes patientes ». Je ne mets pas la vente en premier, mais l’écoute, le partage, l’empathie. Je ne compte pas le temps. Chaque personne est reçue différemment, naturellement », explique Emmanuelle Muscat-Blot dans le salon « neutre » où elle accueille la… cliente, souvent accompagnée par son époux ou des proches.

Les essayages, eux, se déroulent dans l’intimité de deux autres salons distincts, l’un pour les prothèses mammaires et la lingerie, le second pour les prothèses capillaires, les turbans et la cosmétique : « Les salons sont séparés car l’approche n’est pas la même. »

Quel que soit le recoin du Ruban rose, la décoration a été travaillée, pour que chacune se sente à l’aise, pour que cette confrontation crue aux effets de la maladie s’adoucisse, insiste Emmanuelle Muscat-Blot : « Tout est chamboulé, la vie professionnelle, sociale, familiale. Il faut s’accepter soi-même, accepter son corps meurtri par la maladie et le traitement. »

Ce chemin d’épreuves, elle le connaît dans sa moindre épine, son moindre caillou : « J’ai été touchée par le cancer en 2010. Je sais les chimiothérapies, la fatigue, l’épuisement des examens, le monde hospitalier. C’est pour cela que je voulais créer une structure de confort. Mais j’y pensais déjà avant la maladie. » Sa carrière de déléguée médicale, en suspens, ne résiste pas au combat à la vie à la mort et à cette volonté d’un travail plus lourd de sens : « J’ai été en arrêt maladie pendant trois ans. A la base, je suis une battante, mais ce sont mes enfants qui m’ont boostée. Quand je suis tombée malade, ils avaient 2, 3 et 8 ans. Je n’avais pas d’autre choix que de m’en sortir. A chaque Fête des mères, j’y repense énormément. J’ai eu des jours de fatigue, de découragement, mais je me disais « demain j’irai mieux ». La peur, je n’y ai pensé que très brièvement. »

La naissance d’Au Ruban rose est une autre bataille, moins vitale, mais plus longue : « Il m’a fallu six ans pour y parvenir. C’est très difficile d’ouvrir un magasin comme celui-ci dans une petite ville, loin d’un CHU. » Revenue de l’enfer, Emmanuelle Muscat-Blot ne cède pas, pour exaucer autrement son rêve enfui d’être infirmière : « Cela m’apporte beaucoup sur le plan humain. Un bien-être. Je m’occupe d’autres personnes, de gens en souffrance, je leur donne un peu de confort, de quiétude, de légèreté, même si ce n’est qu’une goutte d’eau. Quand je vois les gens repartir avec le sourire, j’ai gagné ma journée. On me dit parfois « vous n’imaginez pas ce que vous m’avez apporté ». Beaucoup se sentent seuls dans la maladie. C’est important d’être à l’écoute, y compris pour les accompagnants, qui ont le sentiment de ne servir à rien, de ne pas pouvoir aider. Pour eux non plus ce n’est pas facile. »

Même si le bouche-à-oreille attire jusqu’à la rue Gambon des clientes (« de 25 à 98 ans ») de toute la Nièvre et des départements limitrophes, la réalité économique rattrape Emmanuelle Muscat-Blot : « Cela reste parfois difficile pour vivre. C’est pour cela que le club Soroptimist de Nevers m’a proposé de participer au Trophée national de l’entrepreneuriat au féminin. Je les ai rencontrées il y a deux ans, pour leur présenter ce que je fais pour les femmes. Je suis fière d’être lauréate de ce Trophée, d’être la première Nivernaise à l’avoir, avec ma petite boutique, car je me suis battue pour être reconnue. »

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