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Si la poésie était un astre, Laurent Jonard serait posé sur la face cachée, avec Baudelaire ou Lautréamont – il est pire voisinage. L’auteur neversois puise son encre dans le noir de la vie, tire ses rimes des abîmes de l’âme. Puissants sans être plombants, ses textes sont à écouter samedi 16 mars, à la médiathèque Jean-Jaurès, pour le Printemps des poètes.

Ses poèmes ne se lisent ni dans un champ de fleurs ni à la plage – ou alors mazoutée. Avec ses deux recueils, Connivences (2016) et Les Friches du Diable (2018), Laurent Jonard perpétue la tradition des poètes maudits. « J’ai un regard assez sombre et acerbe », glisse l’auteur neversois avec un sens de l’euphémisme aussi affuté que son art de la dissection des états d’âme et de l’inhumaine condition des hommes.

« La certitude de notre mort qui nous attend comme une réparation de nos erreurs, comme une clause libératoire d’une existence neurasthénique. » Ainsi s’ouvre Interlude (???), l’un des poèmes des Friches du Diable. Ni dépressif ni gothique, plutôt avenant, volontiers souriant dans son bureau à l’intendance de Nevers Agglomération, Laurent Jonard assume sans peine la veine noire de ses écrits : « Je ne suis pas un pessimiste, je suis un réaliste. Je suis assez sévère sur l’être humain. »

La raison ? « J’ai été énormément marqué par la Shoah. J’ai regardé Holocauste quand j’avais 12 ans, dans les Dossiers de l’écran. Je n’ai pas dormi pendant quelques jours. » Dans cet océan d’horreurs, l’image des « médecins de la mort » le hante : « Comment le cerveau humain a-t-il eu l’idée de mettre en place telle ou telle expérience ? Et ces médecins considéraient qu’ils faisaient leur travail. »

L’absurdité du monde n’explique pas tout. Si la mort est aussi présente dans les poèmes de Laurent Jonard, c’est parce qu’elle lui a imposé très tôt son sinistre valet, la douleur : « J’ai eu un gros pépin physique quand j’avais 16 ans. Depuis, j’ai connu des périodes très difficiles, qui m’ont forgé le caractère. Cela fait quinze ans que je suis sous morphine. La douleur est permanente, mais je ne me plains pas. Mon rapport à la mort est assez particulier, je suis engagé dans une course contre la montre avec elle : il me reste plein de choses à lire, j’ai au moins 40 livres en attente et je suis un acheteur compulsif », sourit-il.

Musicien et mélomane, celui qui fut un compagnon de route de Jean Bojko et du TéATR’éPROUVèTe à l’époque du spectacle Farid chante Hugo (« j’ai composé dix musiques sur onze ») et membre du groupe Openlight est tombé en littérature sur le tard, dans les années 1990, grâce à un ami et « mentor », Gérard Roussel, opticien bibliophile : « Il m’a conseillé, prêté plein de livres. Depuis, je ne peux pas vivre une journée sans lire. » L’écriture a suivi, il y a une vingtaine d’années : « J’écrivais pour moi, je ne montrais rien car je trouvais que ce n’était pas assez bon. Et en 2015, ma compagne a envoyé des textes à des éditeurs, deux étaient intéressés. »

Après Connivences, sorti en 2016 chez Edilivre, Laurent Jonard prend confiance : « La critique et les lecteurs m’ont donné envie de continuer, des gens m’ont encouragé. Maintenant, je souhaite que mes textes se baladent. » Ils se poseront sous la verrière de la médiathèque Jean-Jaurès, samedi 16 mars à 15 h, pour le Printemps des poètes ; JO/ELLE (sic), lectrice professionnelle, leur donnera chair. Le poète a des envies de dédicace, mais aussi des rêves plus amples de spectacle qui associerait ses passions – musique, littérature, danse, peinture : « Les toiles créées sur scène seraient ensuite vendues aux enchères pour des associations caritatives. »

En attendant, Laurent Jonard poursuit son aventure d’écriture : « Je voudrais essayer d’écrire un roman. Je commence tout juste, j’ai des bribes, il me faut un élément déclencheur. » La tonalité n’en sera pas forcément aussi noire que dans ses poèmes, dont la forme resserrée appelle la concentration des sentiments. Souriant par avance du contrepied, il lance : « Je crois à l’amour. Gérard Roussel dit que je suis le dernier romantique. Il n’y a que l’amour pour combattre la haine. Mais c’est difficile d’écrire sur l’amour avec un grand A sans tomber dans le cliché. »

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