On a choisi de rester ouverts jusqu’à 19 h, parce qu’on ne voulait pas pénaliser nos employés. Tous ont été là , à nos côtés
Voir la place Carnot vide, c’était incroyable
Patrons de deux boucheries à Nevers, au marché Carnot et près du parc Salengro, Lydie et Hervé Grandjean ont continué à travailler du matin au soir, avec leurs sept salariés, pendant le confinement. Dans des conditions parfois épiques, persillées de stress et de débrouille, assaisonnées d’un sentiment d’irréalité, mais avec la « chance » d’avoir évité le chômage partiel et d’avoir maintenu le chiffre d’affaires.
Bricolé maison, l’hygiaphone en bois emmailloté de film alimentaire sera conservé en vestige d’un printemps 2020 qui marquera forcément l’histoire de Lydie et Hervé Grandjean et de leurs sept salariés. Le « brise-postillons » installé dans les premiers jours du confinement, devant la caisse de la Boucherie du Parc, a été remplacé après quelques semaines par une plus classique paroi de plexiglas, mais elle illustre le sentiment de panique qui a prévalu mi-mars, quand le « tous aux abris » fut déclaré : « On ne trouvait pas de gel hydroalcoolique, et heureusement un client nous a donné des masques », raconte Lydie Grandjean.
Au marché Carnot, où le couple tient boutique depuis 21 ans, et rue Paul-Vaillant-Couturier, où il a repris la Boucherie du Parc en 2017, le confinement a produit des impacts contrastés, aux effets équilibrés : « Globalement, on est contents. On a connu une baisse d’activité au marché Carnot, mais à la Boucherie du Parc on a très bien travaillé, un peu plus que d’habitude, ce qui nous a permis de maintenir notre chiffre d’affaires. Du coup, on a pu éviter de recourir au chômage partiel. C’est une chance, car on avait vraiment peur de ça.»Â
Dans les deux boutiques ou au laboratoire où se préparent les victuailles, le couple Grandjean et ses sept salariés ont gardé le rythme : « On a choisi de rester ouverts jusqu’à 19 h, parce qu’on ne voulait pas pénaliser nos employés. Tous ont été là , à nos côtés », souligne Lydie Grandjean, qui se chargeait chaque jour des livraisons à domicile, pour des clients âgés. Là encore, pour ne pas exposer ses salariés. Une ombre passe sur son sourire : « Physiquement et moralement, c’était dur. Je faisais les livraisons sans masque, j’appréhendais d’être contaminée, surtout dans les ascenseurs. Et puis je voyais la ville morte, plus un seul bar ouvert, plus personne au parc, c’était angoissant. »
« Voir la place Carnot vide, c’était incroyable », renchérit Hervé Grandjean, qui a traversé la période tête dans le guidon, au laboratoire. Dans ces semaines sans précédent, le couple « s’est senti épaulé », que ce soit dans l’organisation du marché « où la mairie a très bien fait les choses », ou dans l’accès aux informations : « On recevait beaucoup de mails du service Commerce et Artisanat, de la CNCT (Confédération nationale des charcutiers traiteurs, NDLR), de la CCI, etc. »
Zen ou tendus, adoptant sans sourciller la règle des « deux personnes à la fois dans le magasin », les clients ont été sensibles au dévouement du couple et de son équipe, multipliant les remerciements pendant le confinement et dans les semaines qui ont suivi. De nouvelles têtes sont apparues au milieu des fidèles, par la grâce du télétravail et de la limitation des déplacements : « On ose espérer que ceux qui ont pris l’habitude des commerces de proximité vont la conserver. » Le couple attend désormais que les contraintes sanitaires se dissipent pour rassembler le personnel autour d’une bonne table. Une façon de clore un chapitre qui aura encore resserré les liens de l’entreprise.