Quatorze personnes de la communauté des gens du voyage ont quitté l’aire de l’avenue du Stand à Nevers pour un terrain provisoire à Varennes-Vauzelles. Un « voyage » de quelques kilomètres qui marque le début, après des décennies d’incurie, de la déconstruction d’une aire polluée et insalubre, devenue littéralement invivable pour ses occupants et pour les riverains. Pilotée par Nevers Agglomération, cette opération est menée dans le dialogue et le respect d’engagements réciproques.
Mayssa regarde les visiteurs du jour avec un sourire timide, sans s’éloigner du giron de ses parents, Kevin et Nolwenn. La petite blonde de 3 ans fait partie des 14 personnes relogées dans une rue tranquille de Varennes-Vauzelles, sur un terrain prêté pour un an par la municipalité. Toutes sont des membres de la communauté du voyage sédentarisés au bout de l’avenue du Stand, à Nevers, sur une aire d’accueil transformée en lieu de vie au fil des décennies.
Gravement polluée, insalubre, l’aire est devenue une caricature des tensions qui peuvent exister entre gens du voyage, sédentarisés ou non, et riverains. Kevin Gargowitch y a passé ses 28 ans, avec ses parents, eux aussi partis à Varennes-Vauzelles : « J’ai toujours vécu là -bas, ça fait drôle d’en être parti. Mais ça change la vie », reconnaît-il, mi-figue mi-raisin. Son épouse Nolwenn, 24 ans, aussi blonde que Mayssa, est plus enthousiaste : « Ici, on dort bien. »
Arrivés là le 21 novembre, avec leur caravane, les 14 néo-Vauzelliens se sont glissés en douceur dans le quartier, conscients que la double étiquette « gens du voyage » et « avenue du Stand » est lourde à porter : « On a des bons contacts avec les gens d’en face. Mais il y en a qui passent sans s’arrêter, en tournant la tête. On ne mord pas », soupire Nolwenn Gargowitch.
Le « contrat de tranquillité » est un des engagements qui lient les familles relogées avec Nevers Agglomération, en charge de la Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) au titre de sa compétence Accueil des gens du voyage. Régler le « problème » de l’avenue du Stand est devenu une priorité, enfin saisie à bras le corps : « C’est un sujet brûlant à Nevers, depuis trop longtemps », a rappelé Denis Thuriot, président de Nevers Agglomération et maire de Nevers, lors de la conférence de presse organisée lundi 16 décembre sur le nouveau terrain vauzellien. « L’aire de l’avenue du Stand devrait être fermée très longtemps, et on va la fermer, car elle est polluée. En plus, elle est en zone inondable. »
Le déménagement des familles sédentarisées est prévu en plusieurs étapes. Quelques personnes ont ainsi été relogées quai de Médine, début 2019. A Varennes-Vauzelles, les 14 personnes – qui seront 19 dans quelques semaines – sont là pour un an, en attendant un relogement plus durable : « On aimerait des petites maisons en dur, en lotissement pour rester ensemble », confie Nolwenn Gargowitch, qui veut une autre vie qu’en caravane pour ses enfants.
La cinquantaine de gens du voyage encore présente avenue du Stand sera relogée elle aussi peu à peu : « On doit trouver des terrains. Il faudra que les communes de l’agglomération fassent un effort. Chacun doit prendre sa part, on ne va pas faire une avenue du Stand bis », a insisté Denis Thuriot. La volonté de fermer « le plus vite possible » l’aire viciée s’est traduite par la déconstruction du terrain libéré par les familles relogées à Varennes-Vauzelles : 12 emplacements, soit un tiers de l’aire. Une opération menée sans heurts, afin d’empêcher de nouvelles arrivées : « Ce qui coûtera cher, c’est la dépollution du site quand il n’y aura plus de familles. »
Le relogement progressif et la déconstruction de l’aire sont rendus possibles par la « relation de confiance » établie entre les occupants de l’avenue du Stand et l’Agglomération. Le rôle joué par Amir Benlhacene, coordonnateur Gens du voyage depuis cet été à Nevers Agglomération, a été souligné par les différents partenaires. Pierre Achard, membre de la communauté des gens du voyage lui aussi sédentarisé, a été un intermédiaire décisif : « Il y a un an, j’ai organisé un repas chez moi avec Denis Thuriot et des gens de l’aire de l’avenue du Stand. Les discussions ont duré six heures, mais elles ont ramené la confiance, elles ont permis de renouer un dialogue qui n’existait plus depuis très longtemps. C’est après ce repas qu’une famille a accepté d’aller quai de Médine. Il fallait un déclenchement. »
A Varennes-Vauzelles, les familles s’acquittent d’un loyer par caravane d’habitation. Le terrain à bâtir, gracieusement mis à disposition par la municipalité, a fait l’objet d’un aménagement sommaire mais efficace, moyennant 45 000 € : plateforme en gravier, branchements d’eau et d’électricité. Un bloc sanitaire sera installé mi-janvier : « C’est un progrès, ce n’est pas parfait, mais il y a une dynamique qui est mise en œuvre », a conclu Denis Thuriot. « Depuis que vous êtes arrivés ici, il n’y a eu aucune difficulté avec le voisinage. C’est la preuve qu’on peut se supporter les uns les autres, ce qui n’est plus le cas avenue du Stand. »